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Kott : L’artifice

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Kott : L’artifice

Jan Kott : Sur le "Mariage" de Gombrowicz, dans la revue La Règle du jeu, Paris, janvier 1995, n° 15.

Extrait :


Les adversaires placés face à face, feront des grimaces. À chaque grimace constructive et belle de Siphon, Mientus répondra par une contre-grimace laide et destructive. Les grimaces seront aussi personnelles que possible et seront délivrées jusqu’à la décision finale.
-Il se tut. Siphon et Mientus se mirent en position. Siphon se frotta les joues, Mientus remua les mâchoires et Myzdral dit, en claquant des dents :
-Vous pouvez commencer !
Juste à ce moment, précisément à ces mots « vous pouvez commencer », la réalité déborda de ses limites, l’irréalité aboutit au cauchemar, l’invraisemblable aventure devint un songe où je me trouvais emprisonné et dans l’impossibilité de me mouvoir. C’était comme si, au terme d’un long entraînement, on avait atteint le point où l’on perd son propre visage. [...]
Il n’eût pas été étonnant que Mientus et Siphon eussent pris leur visage à pleines mains et se les fussent lancés l’un à l’autre — non, rien n’aurait plus eu le pouvoir de m’étonner. Je bégayai :
-Ayez pitié de vos visages, ayez pitié du mien, le visage n’est pas un objet — le visage est un sujet, un sujet, un sujet !
Ferdydurke

Ferdydurke fut publié en Pologne en 1937. Tout Gombrowicz se trouve déjà dans ce roman, qui contient l’auteur passé et à venir. De ce duel des grimaces découlera plus tard toute la théorie gombrowiczienne du comportement social, en particulier de l’agression et du rabaissement mutuels. Dans ce duel est déjà contenu l’intégralité du théâtre de Gombrowicz. Qu’y aurait-il de plus théâtral que de s’affubler de masques, de fabriquer des « gueules » aux autres ? Et qu’y aurait-il de plus proche du théâtre de Molière ? Ce Gombrowicz voisin de Molière, ou plutôt ce Molière gombrowiczien (pour moi, Gombrowicz s’apparente plus à la tradition du théâtre de Molière qu’à celle de Shakespeare) apparaît foncièrement perfide et pervers. Cependant, il n’est pas si éloigné de l’interprétation moderne de Molière qu’on pourrait le croire. Récemment, les plus éminents spécialistes ont commencé à s’intéresser au problème des visages et des masques chez Molière.


Tartuffe est un masque, mais existe-t-il un véritable visage de Tartuffe ? Il n’est pas celui qu’il feint d’être, il fait semblant d’être quelqu’un d’autre que celui qu’il est. Il joue un rôle, mais que se passerait-il s’il jouait ce rôle à la perfection, sans le moindre couac ? Il porte un masque, mais que se passerait-il s’il l’ôtait ? Un parfait hypocrite est une contradiction vivante. L’homme se confond avec son propre rôle, il ne possède plus de visage : le masque s’y est substitué. Le pieux et vertueux Tartuffe n’est que mensonge de la tête aux pieds, il est l’artifice et l’apparence ; certes, Tartuffe joue, Tartuffe est un acteur : le mensonge et l’apparence sont sa vérité en tant qu’acteur.


« L’apparence la plus fausse rejoint l’être le plus vrai. [...] Il en résulte que pour "être vrai", l’acteur doit jouer faux. » Cette citation est de Sartre, et figure dans la préface aux Bonnes de Jean Genet. Nous sommes au cœur de l’ambivalence du théâtre contemporain.


Le Tartuffe de Molière n’est pas un parfait dévot. Il joue mal, son masque tombe. Tartuffe n’est pas seulement un dévot, il est un faux dévot. Mais être un dévot, c’est déjà être un poseur ; être un hypocrite, c’est déjà être faux : un faux hypocrite, c’est une gueule superposée à une autre gueule. Nous approchons là du théâtre de Gombrowicz. Ces artistes greffés à des artifices, cette gueule plaquée sur une autre gueule, voilà le vrai visage de Tartuffe. Telle est sa vérité. « Leur vérité, c’est leur mensonge », écrit Sartre, toujours dans la préface aux Bonnes, « et leur mensonge, c’est leur vérité. » Et de conclure par : « De nouveau, le faux est vrai, et le vrai ne peut s’expliquer que par le moyen du faux. »


Dans ses Indications pour le jeu et la mise en scène du Mariage, Gombrowicz écrit : « Tous ces êtres ne s’expriment pas de façon directe, ils sont toujours artificiels ; ils jouent. Aussi la pièce est-elle une ronde de masques, de gestes, de grimaces, de cris... Elle doit être jouée "artificiellement", mais sans que cet artifice perde jamais contact avec le ton humain normal que l’on perçoit dans le texte. »