« Tu as vu comme elle se cache dans les coins, et tout d’un coup elle regarde par une fenêtre puis par une autre... Et puis, rien ! Rien ! Elle va user toutes nos fenêtres avec son regard. Elle a peur... »
LE ROI :
Elle me rappelle quelque chose... en rapport avec toi. Oui, quelque chose qui te concerne, ma chère !
LA REINE :
Qui me concerne ?
LE ROI :
Qu’est-ce que tu as à me fixer comme ça ? Crénom Marguerite, je me suis emporté, c’est vrai, mais je ne peux pas regarder cette fille sans me rappeler immédiatemment quelque chose qui te concerne. J’aurais préféré me taire... c’est un peu gênant..., mais puisque tu me le demandes... Enfin, voilà... : il arrive qu’une personne nous rappelle une autre personne mais, comme qui dirait, en négligé. Moi, quand je regarde cette Mollichonne, comme elle remue, comme elle grouille... comme elle mastique en elle-même... je pense tout de suite à toi... à un certain débraillé qui t’est propre.
LA REINE :
Elle te rappelle mon quoi ?... Mon... débraillé ?
LE ROI :
Exactement ! Ton débraillage, ton déballage, ton dégoulinage... C’est à quoi tu penses à l’instant même. Dis-moi ce que c’est ! Allez, tu le sais, dis-le-moi ! Tu verras que c’est à la même chose qu’on pense tous les deux. Dis-le-moi à l’oreille.
LA REINE :
Ignace, de quoi parles-tu ?
LE ROI :
Ah, ah ! Madame aussi a ses petits secrets !
LA REINE :
Tu t’oublies !
LE ROI :
Au contraire, je me souviens. Je me souviens de tout. Tu vas voir, je vais me souvenir de tout ! Gnau, gnau... gnain, gnain !...
[Il sort brusquement.]
LA REINE :
Qu’est-ce que cela signifie ?
Yvonne, princesse de Bourgogne, acte III