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Thèmes du Journal - Polonité, patrie, exil

 

 


Polonité 

« De ce Polonais vaniteux, fier et amoureux de lui-même, tenter de faire un être qui ait une conscience aigüe de son caractère insuffisant et provisoire. Et de cette vision nette et lucide, de ce refus catégorique de cacher ses faiblesses, faire une force. Pour cela, il aurait fallu entreprendre une révision déchirante, et non seulement renouveler notre attitude face à l’histoire et à l’art polonais, mais encore réviser entièrement notre conception traditionnelle du patriotisme –en le fondant sur des bases véritablement nouvelles. »
Journal, 1955
« Mon désir de « surmonter la Pologne » équivalait donc à la volonté de renforcer notre polonité individuelle. Je voulais tout simplement qu’un Polonais cesse d’être exclusivement le produit d’une vie collective, et « fait pour » cette vie collective. Je voulais le compléter. Légaliser son deuxième pôle, le pôle de la vie individuelle, et l’épanouir entre ces deux pôles. Je voulais le situer entre la Pologne et sa propre existence, dans une perspective plus dialectique et plus antinomique, le rendre conscient de sa propre contradiction interne et capable de l’exploiter dans le sens de son dévelopement. »
Journal, 1957


Patrie 

« Sachez bien que votre patrie, ce n’est ni Grójec, ni Skierniewice, ni même le pays tout entier ! Qu’un sang puissant vous monte au visage, et colore vos joues à la pensée que c’est vous-mêmes qui êtes votre Patrie ! Vous n’habitez plus Grodno, Kutno ou Jedlinsk ? Mais l’homme a-t-il jamais séjourné ailleurs qu’en lui-même ? Vous êtes chez-vous, même en habitant l’Argentine ou le Canada, car la Patrie n’est pas un lieu sur la carte, elle est l’essence vive de l’homme. […]
Allons, ne pleurnichez pas ! Et n’oubliez pas que, tant que vous habitiez la Pologne, la Pologne – chose quotidienne- ne vous frappait guère. Aujourd’hui que vous ne l’habitez plus, mais installée en force, elle vous habite, -cette Pologne qu’il faut définir comme votre humanité la plus profonde, le travail de maintes générations. Partout – sachez-le bien - où le regard du jeune homme découvre sa destinée dans les yeux de la jeune fille, naît la Patrie. Chaque fois que monte à vos lèvres la colère ou l’extase, que votre poing se dresse contre l’infâmie, chaque fois que la parole du sage ou le chant de Beethoven embrase votre âme en la transportant jusqu’aux sphères célestes, alors – en Equateur ou en Alaska - naît la Patrie. Mais, sur la place de Saxe à Varsovie ou sur le Marché de Cracovie, vous ne serez que de pauvres clochards, des colporteurs sans feu ni lieu, des amasseurs de pognon ambulants, si vous permettez que la vulgarité tue en vous la beauté. »
Journal, 1953


Exil 

« Les paroles de Cioran respirent le froid humide des caves et le renfermé des tombeaux, mais elles sont bien trop mesquines. En effet, de qui s’agit-il ? Qui nous faut-il comprendre dans la définition d’« écrivains exilés » ? […]
Rimbaud ? Norwid ? Kafka ? Slowacki ?... Autant d’hommes, autant d’exils. Je crois qu’aucun d’entre eux ne serait effrayé précisément par ce genre d’enfer. […]
N’oublions pas que l’Art est chargé et nourri d’éléments de solitude et de parfaite autonomie, c’est en lui-même qu’il trouve sa satisfaction et sa raison d’être. Une patrie ? Mais tout homme éminent, du simple fait de son éminence, est un étranger, même à son propre foyer. Des lecteurs ? Ces écrivains n’ont jamais écrit pour les lecteurs, toujours contre eux.
Honneurs, succès, retentissement, célébrité ?... Ils sont devenus célèbres parce qu’ils ont su s’estimer eux-mêmes plus haut que leur succès.
Il me semble plutôt que –théoriquement parlant et toutes difficultés matérielles mises à part - cette plongée dans l’univers extérieur que représente l’exil doit apporter à la littérature une impulsion inouïe. Voilà l’élite d’un pays jetée hors de ses frontières, à l’étranger. Elle peut, dès lors, penser, sentir, écrire de l’extérieur. Elle prend ses distances. Elle acquiert une liberté spirituelle rarement atteinte. Tous les liens se brisent. On peut être beaucoup plus soi-même. Dans la mêlée générale, les formes établies se dénouent, se relâchent, et l’on peut marcher vers l’avenir d’une manière plus rigoureuse. […]
Je ne nie point que vaincre ces difficultés et les vaincre en solitaire- exige beaucoup de décision et de courage moral. Faut-il par conséquent s’étonner si, épouvantés par notre faiblesse et par l’immensité de nos devoirs, nous enfouissons nos têtes sous le sable, et, nous jouant à nous-mêmes des parodies de notre passé, fuyons l’univers pour rester dans notre petit monde ? »
Journal, 1953
« Seule une culture universelle peut tenir tête au monde, jamais les cultures locales, jamais ce qui ne provient que de bribes d’existence. Seul saura ne pas sombrer dans l’anarchie celui qui sait aller plus loin, dépasser la patrie, pour qui la patrie n’est qu’une des nombreuses révélations de la vie, éternelle et universelle.. Perdre la patrie ne troublera l’harmonie que de ceux dont la patrie n’est pas l’univers. L’histoire contemporaine s’est révélée trop violente, trop illimitée pour les littératures trop nationales ou trop provinciales. »
Journal, 1953