Brak tłumaczenia
« Dire que cette chose effrayante, l’agonie, sévit parmi nous avec autant de cruauté qu’aux premiers jours de la création. On n’a rien fait contre au cours des millénaires, on n’a pas touché à ce tabou sauvage ! Nous avons la télévision, nous utilisons des couvertures électriques, mais nous mourons comme des sauvages. Parfois, d’une seringue timide, un médecin abrège en cachette les tortures d’un mourant en augmentant la dose de morphine. Une intervention pudique, dérisoire face à l’immense universalité de la mort. Je réclame des Maisons de la Mort où chacun aurait à sa disposition des moyens modernes de faciliter son trépas. Où l’on pourrait mourir aisément sans se jeter sous un train, sans se pendre à un loquet. Où un homme fatigué, usé, fini pourrait se livrer aux bras amicaux d’un spécialiste, sûr de mourir sans honte ni tortures. Pourquoi pas, je vous le demande, pourquoi pas ? Qui nous empêche de civiliser la mort ? »
Journal, 1958 |
« J’ai terriblement peur du Diable. Etrange aveu sur les lèvres d’un incrédule. Je ne peux me libérer de l’idée du Diable… Cette horreur qui vagabonde tout près de moi… A quoi bon la police, les lois, toutes les assurances et mesures de sécurité, si le Monstre se promène librement parmi nous et que rien ne nous protège de lui, rien, absolument rien, aucune barrière entre lui et nous. Sa main libre au milieu de nous, absolument libre ! Qu’est-ce qui sépare l’univers serein d’un promeneur du souterrain où retentit le cri des damnés ? Quoi ? Rien, absolument rien, un espace vide… Cette terre sur laquelle nous marchons est toute couverte de douleur, nous y pataugeons jusqu’aux genoux, c’est la douleur d’aujourd’hui, d’hier, d’avant-hier, d’il y a des millénaires. Car il ne faut pas s’y tromper : la douleur ne se dissout pas dans le temps et le cri d’un enfant d’il y a trente siècles est aussi fort en tant que cri que celui qui a retenti il y a trois jours. C’est la douleur de toutes les générations et de tous les êtres, pas seulement des hommes. »
Journal, 1960 |
« Dans ma jeunesse, je tourmentais les bêtes. Je me souviens de mes jeux à Małoszyce avec les gamins du village. On lacérait des grenouilles à coups de fouet. Aujourd’hui j’ai peur – c’est bien le mot- j’ai peur de la souffrance d’une mouche. Et cette peur m’effraie à son tour comme si c’était la marque d’une grave faiblesse devant la vie ; cela me fait vraiment peur, de ne pouvoir supporter la douleur d’une mouche.
De façon générale, je subis avec l’âge une évolution dont je ne voudrais pas dissimuler le caractère tragique et dangereux, qu’il faut au contraire mettre bien en évidence. Je prétends qu’elle ne m’est pas propre mais qu’elle caractérise en fait toute ma génération. […] Pour nous les gens de la nouvelle école, la douleur est la douleur, n’importe où qu’elle apparaisse aussi terrifiante chez une mouche que chez un homme. Nous nous sommes peu à peu sensibilisés à la souffrance à l’état pur ; notre enfer est devenu universel. » Journal, 1958 |